
Interview With the Doctor : Elodie Boissard

Elodie Boissard
Ancienne doctorante et représentante des doctorants de l’ED 280, Elodie Boissard a commencé en 2019 une thèse dirigée par Denis Forest à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et codirigée par Stéphane Lemaire à Rennes 1. Intitulée : Concevoir l'humeur dépressive pour comprendre la dépression. Psychiatrie et philosophie des états affectifs, ce travail se situe au croisement de la philosophie et de la psychiatrie en traitant l’aspect historique, la philosophie des états affectifs et la philosophie de la médecine. L’humeur dépressive est pensée dans ce travail comme étant variable tout en engendrant un réseau commun de croyances dépressives qui favorisent une certaine conduite. Elle a soutenu en décembre 2023 après quatre ans au sein de l’ED
Elle vient aujourd'hui répondre à quelques-unes de nos questions sur son parcours doctoral.
2. Comment avez-vous financé votre thèse ?
J’ai obtenu un contrat doctoral via l’ENS effectué à Paris 1 avec une charge d’enseignement sur et la méthodologie philosophique en L2 durant trois ans. J’ai fait ensuite un an d’ATER à Paris 1 en 2022-2023 au sein de la Préparation aux concours pour des cours de « Préparation aux épreuves de hors programme »
3. Comment s’est passé l’après soutenance ?
J’avais déjà un poste d’ATER à l’Université Lyon 3 depuis septembre 2023 quand j’ai rendu le manuscrit. Après la soutenance, j’ai donc continué à travailler sur ce poste
4. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Je suis de nouveau ATER à Lyon 3 sur le même poste où j’enseigne l’épistémologie, la philosophie de la médecine, la philosophie de la nature, la philosophie de la psychologie ainsi que la philosophie morale, notamment la philosophie des émotions[u1]
5. Qu’est-ce votre thèse vous apporte au quotidien dans votre vie professionnelle ?
Le doctorat me permet d’obtenir des postes d’ATER. Sur le fond, je suis plus consciente et attentive concernant les questions de santé mentale auprès des étudiants. Mon travail me rend sensible à ces questions autour de moi au sein de l’université. Mon sujet me permet également d’échanger avec des psychiatres et d’autres cliniciens ce qui implique un aspect interdisciplinaire propre à mon travail
6. Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite commencer une thèse ou qui commence celle-ci ?
Je lui conseillerais de ne pas trop tarder à écrire. Il est difficile de commencer à écrire et plus on attend, plus on lit, plus on peut perdre de vue ce que l’on peut apporter avec son travail, ce que notre thèse peut apporter au sujet. Quitte à retravailler ce qui a été écrit, voire à le réécrire, mieux vaut commencer à écrire dès la deuxième année par exemple. Avant de commencer une thèse, il faut bien se poser la question des objectifs (postes, intérêt personnel, intellectuel, etc.)
7. Si vous deviez qualifier votre passage à l’ED en deux-trois mots
J’ai commencé en 2019 et le COVID a impacté mon parcours doctoral. J’ai eu un sentiment d’isolement au début de mon travail lié à la situation de confinement et de restrictions. L’ED fonctionnait bien notamment au niveau des financements dont j’ai bénéficié pour organiser des événements, participer à des colloques et faire un séjour de recherche à l’étranger. La direction de thèse s’est toujours bien passée avec des rendez-vous réguliers et un vrai suivi. Le laboratoire, l’IHPST, a des locaux au sein de la Maison de la philosophie où se situe également la salle des doctorants de l’ED ce qui m’a permis de bénéficier d’espaces de travail divers et de participer au séminaire général du laboratoire ainsi qu’au séminaire général de l’ED, des séminaires riches et réguliers. Il y a aussi de nombreuses formations et réunions (rédaction d’un article, d’un CV, questions relatives à la recherche).
8. Si c’était à refaire, qu’est-ce que vous changeriez concernant vos années de doctorat ?
Je changerais ma façon de m’organiser dans mon travail notamment concernant la rédaction d’articles ou de la thèse. J’étais dans une approche scolaire où je connaissais bien l’état de la question mais j’avais du mal à définir ce que je voulais défendre avec mon travail. C’est tout l’enjeu de la recherche. Il faut parvenir dès que possible à élaborer sa propre pensée, ses propres thèses et arguments.
9. Parlez-nous de votre rôle en tant que représentante des doctorants et doctorantes
Les représentants au niveau de l’ED et du laboratoire aident à accueillir les nouveaux arrivants et prodiguent des conseils importants, répondent à des questions que l’on se pose en commençant un parcours doctoral. Mon mandat a commencé en décembre 2022 pour une durée de deux ans. Cela m’intéressait aussi de voir le fonctionnement de l’ED de l’intérieur, notamment les décisions prises au sein du conseil de l’ED. Ce rôle de représentante me donnait vraiment le sentiment de faire partie de l’ED, d’être investie au sein de celle-ci
Résumé de la thèse
Concevoir l'humeur dépressive pour comprendre la dépression. Psychiatrie et philosophie des états affectifs
Dans cette thèse, j’interroge la notion d’« humeur dépressive », en tant que symptôme historiquement central et distinctif de la dépression. L’objectif est d’améliorer notre compréhension de ce trouble psychiatrique grâce à un apport en philosophie. Je retrace une histoire conceptuelle de la caractérisation clinique du versant affectif des états dépressifs dans la psychiatrie française, depuis l’aliénisme jusqu’à la psychiatrie contemporaine, qui met à jour les origines de cette notion d’« humeur dépressive ». Ensuite je clarifie cette notion en faisant appel à la philosophie contemporaine des états affectifs, ce qui me permet notamment de distinguer cette humeur de la tristesse et du découragement, et de souligner son rôle fonctionnel à l’égard de croyances dépressives, qui sont des croyances pessimistes, défaitistes et auto-dévalorisantes quant à la possibilité d’atteindre une situation de satisfaction de ses aspirations. Je propose alors une objectivation de la dépression en termes de « croyances dépressives auto-réalisatrices » consistant dans une incapacité, sous la contrainte de l’humeur dépressive, à mobiliser ses propres capacités de régulation de ses états affectifs et d’action pour chercher à satisfaire ses aspirations fondamentales. J’applique à la dépression ainsi conçue une conception de la distinction entre santé et maladie en termes de capacité ou incapacité de second-ordre à atteindre un bien-être minimal, conception élaborée en philosophie de la psychiatrie par Nordenfelt (2000).
[u1]La philosophie des émotions
https://cv.hal.science/elodie-boissard
Publications :
Philosophie de la dépression, collection « Analyse et philosophie », Vrin, à paraître
Alexithymie, émotions et langage. Implications philosophiques, 2022. ⟨hal-04377409⟩